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(Miniature) L’interview bleue : Antoine Brizard
Photo : FIVB
24/06/2025
L’interview bleue : Antoine Brizard
Après Trévor Clevenot à Québec, c’est Antoine Brizard qui portera cette semaine le brassard de capitaine de l’équipe de France lors de la deuxième poule de Volleyball Nations League à Burgas (Bulgarie). A la veille du premier match face à l’Ukraine, le passeur double champion olympique se confie.
Avant de parler d’équipe de France, un mot sur ta saison en club avec Piacenza qui s’est achevée par une défaite en demi-finales face au futur champion d’Italie, Trentino Volley, quel bilan en fais-tu ?
Ça a encore été une saison compliquée, comme souvent à Piacenza, entre changement de coach et beaucoup de blessures. Le sentiment est mitigé parce que d’un côté, atteindre les demi-finales du Championnat italien, ce n’est pas rien, donc le bilan est plutôt positif, mais je pense que l’équipe avait le potentiel pour faire mieux ; avec un peu plus de stabilité et de tranquillité, on aurait pu obtenir de meilleurs résultats. A titre plus personnel, j’ai bien vécu cette saison, j’avais à cœur d’avoir plus de liberté, ça a été le cas. Maintenant, je t'avoue que tout le début de saison, après les Jeux, a été très compliqué en termes de motivation, j’ai eu un gros contre-coup.

Tu évolueras la saison prochaine au Japon sous les couleurs d’Osaka Bluteon, peux-tu nous raconter comment s’est fait ce transfert ?
Ça s’est d’abord fait parce que Piacenza n’a pas voulu me garder, pour des raisons économiques surtout, mais aussi de rajeunissement de l’effectif, ça a été une période compliquée pour moi et un peu décevante, même si ça s’est terminé correctement. Du coup, avec mon agent, on a sondé le marché, le Japon était une destination qui me tentait beaucoup, surtout que le Championnat est désormais ouvert à davantage d’étrangers. L’opportunité d’Osaka, un club extrêmement bien organisé et structuré, s’est présentée, c’était parfait pour moi.

As-tu eu d’autres propositions ?
J’ai eu des propositions en Russie et en Pologne, mais la priorité pour moi était d’aller au Japon. Le Championnat japonais devient extrêmement attractif sportivement du fait du nombre plus important d’étrangers qui arrivent, mais également de la qualité des joueurs locaux, on le voit avec la sélection qui est tous les ans de mieux en mieux. Et l’expérience est hyper intéressante, je n’aurais sans doute pas eu l’occasion de vivre au Japon dans ma vie si je n’avais pas joué au volley, c’est une culture différente, une expérience super chouette à vivre pour ma femme et moi.

As-tu sondé Laurent Tillie, qui vient d’achever un mandat de quatre ans à la tête du club d’Osaka, avant de t’engager ?
Non, on n’en a pas trop parlé, j’ai plus échangé avec Tuomas Sammelvuo qui le remplace et qui m’a coaché avec Saint-Pétersbourg, c’était forcément un plus de savoir qu’il allait entraîner l’équipe. Maintenant, avec Laurent (entraîneur du Japon que la France affronte jeudi), on est cette semaine dans la même poule de VNL, on s’est déjà croisés et on va prendre le temps de discuter parce que j’ai besoin d’avoir quelques infos sur le club avant d’y aller.

"Il faut laisser le temps aux jeunes de prendre de l'expérience"

Parlons maintenant de la saison internationale, as-tu d’abord pu prendre de « vraies » vacances avant de retrouver les Bleus ?
Oui, en dehors du Covid, c’est la première année où j’ai autant de temps pour prendre des vraies vacances, j’ai coupé six semaines. Même si j’ai fait en sorte de rester en forme physiquement pour ne pas avoir trop de retard à la reprise, ça m’a fait beaucoup de bien, je pense qu’on en avait tous besoin dans l’équipe. J’ai repris dimanche dernier (15 juin), ça s’est plutôt bien passé, je m’attendais à pire, parce qu’après une telle coupure, on a forcément un peu peur de la blessure, dans la mesure où on rentre dans un groupe qui est dans le rythme de la compétition et est donc forcément plus en forme. Il faut à la fois se remettre au niveau d’intensité requis mais également faire attention à ce que la montée en puissance soit progressive pour éviter la blessure.

Quel est ton regard sur les résultats de l’équipe de France lors de la première poule au Canada et sur les nombreux jeunes qui sont arrivés ?
C’est une génération qui a cartonné en jeunes, tout le monde met beaucoup d’espoir sur elle pour prendre notre succession. Après, ils restent très jeunes et manquent d’expérience des matchs à très haut niveau, donc il faut leur laisser du temps de prendre cette expérience, ne pas leur mettre trop de pression en termes de résultats et de niveau de jeu, parce qu’il y a des étapes à franchir qui sont obligatoires. La VNL en fait partie, il faut qu’ils la vivent pleinement pour avancer. Maintenant, cette première poule a été positive, je pense qu’ils auraient pu décrocher une troisième victoire, mais c’est déjà très bien d’en avoir remporté deux, c’est dommage que Mathis (Henno) se soit blessé parce qu’il était sur une bonne dynamique.

Sur ton poste en particulier, que penses-tu d’Amir Tizi-Oualou et Anatole Chaboissant qui étaient les deux passeurs bleus à Québec ?
Ils sont très intéressants tous les deux, Anatole a un peu plus d’expérience dans le Championnat de France, Amir n’a fait qu’une saison complète comme titulaire, mais l’un comme l’autre sont hyper prometteurs. Maintenant, comme je te le disais, il faut qu’ils prennent le temps de se développer, d’accepter d’être en échec parfois, parce que comme tous les autres, ils ont très peu connu l’échec jusqu’ici en équipe de France, et c’est aussi comme ça qu’on grandit. En tout cas, on a de la chance d’avoir une telle génération derrière nous.

Est-ce que tu te sens de jouer auprès d’eux un rôle de « grand frère », de conseiller ?
Oui, complètement, c’est un rôle qui me plaît. Les jeunes ont aussi l’air ouvert à nous écouter et à avoir du respect pour ce qu’on a fait, pour le vécu qu’a ce groupe. Donc oui, si je peux les aider, je le fais avec plaisir, j’essaie de le faire tous les jours, que ce soit dans mon comportement ou dans ce que je leur dis. C’est important, je pense, qu’ils comprennent comment ce groupe a gagné et qu’ils s’imprègnent de l’ADN de cette équipe de France.

"Au Mondial, il y aura une autre recette"

Comment se sont passées les retrouvailles avec tes coéquipiers champions olympiques ?
J’avais vu Babar (Barthélémy Chineneyze), Yacine (Louati) et Théo (Faure) cette année, pas Jean (Patry), ni Trévor (Clevenot), ça fait toujours trop plaisir de se revoir. On en parlait encore aujourd’hui (lundi), on a la chance d’avoir une telle cohésion dans l’équipe, c’est aussi ce qu’on essaie de montrer aux jeunes, parce que c’est comme ça qu’on a gagné et qu’on gagnera, on essaie d’entretenir ça.

Quelles sont tes attentes sur cette poule de VNL ? Tu penses jouer beaucoup ?
Pour l’instant, on navigue un peu au jour le jour, en fonction des sensations qu’on a, des entraînements qu’on fait, mais oui, je m’attends un jouer un peu. Je ne sais pas comment, combien de temps et quand, mais je pense qu’on a besoin de rentrer petit à petit dans le circuit.

L’année dernière, vous aviez clairement affiché vos objectifs de performer sur la VNL, quels sont-ils cette saison ?
Oui, c’est clair que l’année dernière, la VNL était une étape indispensable et très importante en vue des Jeux qui arrivaient vite derrière, c’était un objectif pour travailler, jouer des gros matchs et essayer de gagner, ce qu’on a réussi à faire. Là, c’est vrai que c’est différent parce le Championnat du monde est plus loin (en septembre) après la fin de la VNL et on a tous des états de forme très différents, entre ceux qui ont commencé la première semaine, nous qui sommes arrivés récemment et ceux qui vont nous rejoindre pour la dernière poule. J’ai juste envie qu’on reprenne du plaisir à jouer ensemble et qu’on arrive peu à peu à harmoniser tous les états de forme et techniques pour arriver bien prêts à Cannes pour attaquer la préparation au Championnat du monde.

Ce Championnat du monde, on va beaucoup vous en parler, notamment du fait que c’est la seule médaille qui manque à cette génération, est-ce pour vous un moteur en termes de motivation ?
Je ne suis pas sûr qu’on va beaucoup y penser, on pensera peut-être plus au fait que ce sera sans doute la dernière compétition pour certains, ça pourrait nous motiver plus, mais on aura le temps d’en discuter avant. On aura forcément envie de bien faire, on sait que si on est en forme, on est capables de tout, mais on n’aura aucune forme de pression liée au fait qu’on n’a jamais gagné cette compétition. Et si ce n’est pas nous qui le faisons, les jeunes pourront s’en occuper après nous !

Vous avez effectivement montré que vous étiez capables de tout en décrochant l’or olympique deux fois de suite, quels sont pour toi les ingrédients de ce doublé historique ?
Il y a plein de raisons. On a été en difficulté à plein de moments pendant cette olympiade, on a eu des hauts et des bas, mais que ce soit le staff ou les joueurs, on a eu l’intelligence de changer des choses, d’en discuter, d’essayer de trouver le meilleur moyen de bien se préparer pour ces Jeux. On est aussi arrivés à un moment de maturité de l’équipe qui faisait qu’on n’avait plus besoin de recréer quoi que ce soit, il fallait juste retrouver certaines sensations, certains schémas qui fonctionnaient. On savait qu’on avait le temps après l’échec en 2023 (quatrième de l'Euro en Italie) de corriger les choses et on a pris cette année 2024 de la bonne manière en se préparant tous les jours, chaque entraînement, chaque muscu, avec cet objectif d’être performants pour les Jeux. On est rentrés hyper déterminés dans cet été, et juste après notre victoire en VNL, on s’est tout de suite reconcentrés. Et dès le début des Jeux, on est rentrés dans une espèce de parenthèse magnifique dans notre carrière et dans notre vie avec ce public et cette ambiance incroyable qui régnait sur Paris et nous a portés jusqu’au bout.

Ça veut dire qu’il va falloir, cette ambiance en moins, retrouver ces ingrédients pour briller en septembre aux Philippines ?
Avec l’expérience qu’on a, on sait que c’est impossible de reproduire quelque chose comme ça à l’identique, chaque compétition est différente, il faudra donc essayer de s’adapter à une nouvelle histoire, de lire au mieux les situations. Il y aura une autre recette, j’espère qu’on va la trouver pour gagner.