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21/07/2021
Laurent Tillie : « La mission est de sortir de la poule »
Nommé en 2012 à la tête de l’équipe de France avec la mission de la qualifier pour les Jeux Olympiques, Laurent Tillie a largement rempli l’objectif, puisque pour la deuxième fois consécutive, les Bleus seront au rendez-vous des JO. Avant d’attaquer la compétition à Tokyo, le sélectionneur revient sur ses expériences olympiques passées et évoque ce qui attend ses joueurs au Japon.
Comment s’est passé votre stage à Okinawa ?
Le stage a été super bien organisé, nous avons été accueillis d’une manière extraordinaire et très professionnelle par les Japonais, avec beaucoup de bienveillance, les gens étaient heureux de nous rendre service. Par contre, nous avons eu la chape de la bulle totale, nous étions bloqués au quatrième étage de l’hôtel, nous avions peur que ce soit très dur à vivre, mais finalement, ça s’est très bien passé, parce que nous nous sommes beaucoup entraînés. Nous avons eu une première semaine un peu difficile, parce qu’il fallait récupérer du décalage horaire, de la Volleyball Nations League et de la semaine off totale que nous avions eue dans la foulée ; la seconde a été beaucoup plus explosive et dynamique, ça fait plaisir, parce qu’on a vu progresser l’équipe, on a pris le temps de travailler sur les relations, physiquement et sur les gammes techniques, c’était très intéressant. Je pense que c’est la meilleure préparation qu’on pouvait faire avant les Jeux, il nous a manqué un ou deux matchs amicaux, mais sur le plan de l’entraînement et du travail, je pense qu’on ne pouvait pas faire mieux.

Que représentent les Jeux Olympiques pour vous ?
Cette année, ça va être un peu moins le cas à cause du contexte sanitaire, mais pour moi, les Jeux, c’est la trêve olympique. Quand tu participes aux Jeux, tu as vraiment l’impression que la terre entière s’arrête et que tous les regards sont braqués vers les sportifs, quelle que soit la discipline, le volley, le tir à la carabine, l’escrime… pas que le foot, le tennis ou le vélo. C’est incroyable de voir ça, ça m’avait marqué lors de mes participations en tant que joueur, tout comme m’avaient marqué les cérémonies d’ouverture et de clôture qui sont des moments à part dans la vie d’un sportif.

Vous allez participer à vos deuxièmes Jeux Olympiques à la tête de l’équipe de France, après les avoir déjà disputés à deux reprises consécutives en tant que joueur (1988 et 1992), quel souvenir gardez-vous de ces deux expériences ?
La première, à Séoul, restera la plus belle, parce que c’était la première fois que l’équipe de France allait aux Jeux Olympiques. Nous étions dans une découverte totale, il y avait beaucoup d’excitation, d’attente aussi, parce qu’on venait d’être vice-champions d’Europe en 1987. On avait découvert Séoul deux ans avant en participant au Top Ten, on a vu la ville se développer et se faire belle pour les Jeux. C’étaient vraiment des Jeux pour les athlètes, on pouvait aller où on voulait, on avait des pass pour voir toutes les compétitions. Sportivement, cela avait été frustrant, parce qu’on avait une très belle équipe, mais on n’était pas prêts pour disputer les Jeux Olympiques, on s’est fait surprendre par le niveau de jeu de nos adversaires, Alain (Fabiani) s’était blessé, nous n’avions du coup pas réussi à sortir de la poule.

Et Barcelone ?
Barcelone a en revanche été un grand désenchantement, on s’est qualifiés au dernier moment, l’équipe allait cahin-caha, ça ne s’était pas très bien passé, on avait l’impression qu’on était juste contents d’aller aux Jeux, on n’avait pas vraiment eu d’ambitions sportives, on avait fini onzièmes, ce qui correspondait à notre niveau. Et au niveau de l’organisation, c’était différent, on ne pouvait pas aller où on voulait, c’était devenu plus business.

Le contexte de 1988 ressemble-t-il à celui que vous avez vécu il y a cinq ans à Rio avec une équipe qui découvrait les Jeux et a peut-être été dépassée par cet environnement ?
Il y a quelques points similaires, notamment la désillusion sportive qui a été la même. Je pense que les joueurs étaient avertis du contexte, ils étaient prêts à jouer, mais l’inexpérience de l’ensemble du groupe a quand même fait qu’ils se sont pris les Jeux « en pleine gueule ». En revanche, il n’y a pas eu de dispersion, comme on avait pu le voir à Barcelone, les joueurs sont toujours restés concentrés. Il a en fait manqué cette fameuse expérience, on redécouvrait les Jeux douze ans après les derniers, alors que ce qui est important pour performer sur une telle compétition, c’est la continuité dans la présence. L’enchaînement Rio, Tokyo et Paris 2024 va en ce sens être un élément capital dans l’histoire de l’équipe et de la Fédération.

« De temps en temps, les rêves peuvent
se réaliser si on met les moyens derrière »

Vous êtes arrivé à la tête de cette équipe de France pendant les Jeux de Londres, après une douloureuse non-qualification, imaginiez-vous alors que vous parviendrez à enchaîner deux Jeux de suite ?
J’avais en effet décidé de reprendre l’entraînement le jour de l’ouverture des Jeux, comme un symbole, c’était pour montrer aux joueurs que les Jeux, tout le monde veut y aller, mais que la volonté ne suffit pas, pour y arriver, il faut se préparer. On ne peut pas y penser les quinze derniers jours de la qualification, il faut que ce soit tous les jours pendant les quatre années qui précèdent. C’est tellement difficile de se qualifier qu’il faut afficher sa détermination et ne pas avoir peur de montrer tout le travail qu’il y a à faire. Après, pour dire la vérité, ça paraissait à ce moment tellement loin et tellement merveilleux de réussir à faire les deux, Rio et Tokyo, que même dans mes rêves les plus fous, je ne pensais pas qu’on le ferait. Et on l’a fait ! Ce qui montre que de temps en temps, les rêves peuvent se réaliser si on met les moyens derrière.

Cette équipe vous aura-t-elle surpris pendant ces deux olympiades ?
Oui, elle m’a surpris par son abnégation, par le style de jeu qu’elle a montré, et surtout par ses résultats. La troisième place qu’on a obtenue cette année à la Volleyball Nations League, ça devient banal aux yeux de certains, mais il fallait le faire ! Ce n’était pas toujours rose de vivre plus d’un mois dans une bulle, mais ni les joueurs ni le staff n’ont triché, tout le monde a essayé de maintenir le cap pour préparer les Jeux, ce qui était la priorité, tout en ayant cette envie de faire un résultat, ce qui a été le cas dans toutes les compétitions qu’on a jouées. Depuis huit ans, on s’est qualifiés pour tous les championnats d’Europe, pour tous les championnats du monde, pour tous les Jeux Olympiques, on a fait des podiums, pas toujours certes, mais cette constance est vraiment importante, d’autant plus qu’on a renouvelé l’effectif. Et là-dessus, l’état d’esprit des joueurs a été remarquable.

L’expérience des Jeux de Rio va-t-elle selon vous aider les joueurs à mieux aborder mentalement ceux de Tokyo ?
Oui, ils ont cette expérience en plus qui est vraiment importante. Lors d’un débriefing, on a justement parlé de l’aventure des Jeux, parce que je voulais qu’il y ait un partage d’expériences pour aborder au mieux cette compétition.

L’équipe de France qui va disputer ces Jeux vous semble-t-elle plus forte que celle qui était à Rio ?
Elle était quand même pas mal, l’équipe de Rio ! Elle avait toutes les qualités pour réussir quelque chose, mais on était tombés sur plus forts que nous et on avait ce petit manque d’expérience qu’on a évoqué. Là, elle est un peu différente, avec encore des qualités, plus de vécu forcément, on est peut-être montés d’un cran, mais ça ne veut rien dire sur des Jeux Olympiques qui sont une compétition à part.

Vous êtes encore tombés sur une « poule de la mort » pour ces Jeux de Tokyo avec des adversaires redoutables, est-ce déjà une mission en soi d’en sortir ?
Oui, exactement ! C’est là que l’expérience de Rio apporte, on sait que la mission c’est uniquement de sortir de la poule, ça ne sert à rien de parler d’autres objectifs. On est dans une poule encore plus dure que celle de Rio, avec les champions olympiques (le Brésil), les médaillés de bronze et les quatrièmes de Rio (les Etats-Unis et la Russie), sans oublier les Argentins qui sont septièmes mondiaux. On est cinq équipes dans le top 7 mondial dans la même poule, donc en sortir, ce serait déjà une grosse satisfaction.

« Nous ne sommes pas favoris,
nous ne sommes là que pour sortir de la poule »

Parlons justement de ces adversaires : dans l’ordre des matchs, vous commencez samedi par les Etats-Unis…
C’est une équipe qui a l’expérience des Jeux et des médailles olympiques, elle est très athlétique, a une grosse puissance de service et de bloc, un jeu d’attaque très dynamique, un passeur, un pointu, des réceptionneurs/attaquants et centraux qui jouent toujours dans les grands clubs européens et mondiaux. C’est une équipe très compliquée à bouger, en plus pour notre premier match…

Le deuxième sera contre la Tunisie…
On l’avait jouée sur le premier tournoi de qualification olympique à Gdansk, c’est une équipe qui joue bien au volley, a des individualités performantes, il faudra la prendre au sérieux et rester bien concentrés car on sait que tous les résultats compteront pour le classement final, donc si on veut passer le premier tour, il faudra faire un gros résultat contre la Tunisie.

Vous affronterez ensuite l’Argentine, que vous connaissez bien…
C’est vraiment l’équipe piège par excellence, avec un très bon passeur, De Cecco, le joueur d’exception qu’est Facundo Conte… Ils ont un style basé comme nous sur la vitesse, pas trop de grands gabarits, mais de la qualité technique et défensive, avec des déviations, des balles poussées et un jeu assez atypique au centre avec Solé et Loser, c’est vraiment une équipe compliquée à jouer.

Tout comme l’est la Russie, dans un style très différent ?
Oui, c’est une des équipes favorites de ces Jeux, avec des gabarits à n’en plus finir, une grosse puissance de feu, un très gros service, avec une alternance entre service smashé et service flottant, un bloc impressionnant, des attaquants qui passent systématiquement au-dessus du bloc… C’est un jeu un peu plus simple mais diablement efficace, axé sur le physique et sur la puissance.

Pour finir cette phase de poule, comme il y a cinq ans à Rio, vous affronterez le Brésil, vainqueur cette année de la VNL, un très gros morceau ?
Pour moi, ils partent archi-favoris des Jeux. On a pris une déculottée contre eux en demi-finale de la VNL, on a vu que si on n’était pas à 120% mentalement, physiquement et tactiquement, on se faisait « dégommer ». Ils ont un jeu très rapide, avec de la puissance, de la hauteur, des centraux qui prennent beaucoup de place, Souza et Lucas, ils ont du banc, l’habitude des grandes compétitions, ils sont champions olympiques, vice-champions du monde, viennent de gagner la Volleyball Nations League, ils ont tout pour jouer encore le titre.

Quels sont justement à vos yeux les favoris de ces Jeux ?
En plus du Brésil, je dirais la Pologne, la Russie, les Etats-Unis et l’Italie.

Et la France ?
Non, nous ne sommes pas favoris. Nous ne sommes là que pour sortir de la poule.

Ces Jeux marqueront la fin de votre mandat à la tête de cette équipe de France, après neuf années pleines, pensez-vous que vous allez ressentir une forme de nostalgie ?
Vous me poserez la question à la fin ! Car là, je prépare les Jeux, je ne prépare pas ma dernière compétition, je ne suis concentré que sur cet objectif.