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23/02/2024
Paris 2024 : L’œil des coaches, épisode 3
Jusqu’au coup d’envoi des Jeux Olympiques de Paris 2024 (27 juillet-11 août), Emile Rousseaux et Andrea Giani, entraîneurs des équipes de France féminine et masculine de volley-ball, vous feront partager le quotidien de la préparation. La parole est à Emile Rousseaux qui raconte sa tournée dans les clubs de Ligue A féminine.
Peux-tu nous expliquer en quoi consiste la tournée des clubs que tu es en train de faire ?
J’ai commencé début février par donner un « clinic » de Baby Volley à Besançon le samedi et dimanche, ensuite, je suis descendu à Chamalières où je suis resté du dimanche soir au vendredi matin (4 au 10 février), j’ai eu l’occasion d’avoir six entretiens individuels avec les filles que je voulais voir, mais aussi d’assister aux entraînements et d’avoir de nombreuses conversations avec le nouveau président Claude Michy et avec Mylène Toubani, la présidente de l’association du club. Ensuite, je suis rentré deux-trois jours à la maison pour repartir à Marcq-en-Baroeul, j’ai assisté au quart de finale de la Coupe de France face à Mulhouse le mardi soir (victoire 3-0 du VMA), je suis resté jusqu’au samedi soir avan de rentrer chez moi. Et là, je repars pour Nantes, je donne un nouveau « clinic » de Baby Volley samedi et dimanche et je reste quatre jours avec l’équipe première. Sylvain Quinquis, le manager, et l’entraîneur Cesar Hernandez Gonzalez m’ont très gentiment invité à assister à tout ce que je voulais, aux entraînements, aux sessions vidéo, mais aussi à la finale retour de la Challenge Cup mercredi contre Novara.

Quel accueil reçois-tu à chaque fois des clubs ?
J’ai à chaque fois été très bien reçu, ça se passe dans un très bon climat. Les gens sont reconnaissants de voir la Fédération et le sélectionneur s’intéresser à la dynamique de leur club, ils sont très ouverts à l’échange, il y a beaucoup de partage et de sincérité, on sent que tout le monde a envie de travailler ensemble.

Tu en profites également pour donner des « clinic » de Baby Volley, pourquoi ?
Oui, quand je peux, j’essaie de coupler ces déplacements avec deux jours d’intervention sur les tout petits, parce que je répète souvent que le vivier féminin n’est pas assez large, je suis un peu casse-pieds avec ça, à un certain moment, il ne faut pas seulement se contenter de dire, il faut faire. Donc je mets moi-même les mains dans le cambouis ; ces derniers mois, je suis allé dans à peu près une dizaine d’endroits pour toucher et tenter d’inspirer 400 entraîneurs de jeunes, j’essaie d’apporter ma modeste contribution à la motivation de ces gens qui s’occupent de ce métier parfois ingrat et invisible avec les tout petits.

Peux-tu nous raconter le contenu des entretiens que tu as avec les joueuses ?
Je suis une certaine méthodologie avec des entretiens construits en plusieurs parties : on évoque d’abord le plan médical, quels sont les éventuels soucis et les éventuels traitements ; ensuite, il y a le registre de la préparation physique, je vois avec elles si elles sont satisfaites de ce qu’elles font en club et si elles ont besoin en complément de faire appel au préparateur physique de l’équipe de France, Pablo Griboff ; nous évoquons aussi le plan mental qui, quand je suis arrivé en France en 2019, existait, mais de façon très individuelle, avec seulement quelques joueuses qui travaillaient avec un préparateur, mais pas d’entraînement spécifique, comme on fait des séances physiques, techniques ou tactiques. C’est un aspect sur lequel on a beaucoup insisté ces dernières années : le mental, c’est aussi un entraînement, un travail de fond, pas seulement une prise de conscience. On parle également des différents secteurs du volley-ball : le service, la réception, l’attaque, le bloc, la passe… on fait une sorte d’inventaire pour voir comment les joueuses pensent avoir évolué sur les différentes techniques, on échange aussi autour de ce qu’elles travaillent avec leurs entraîneurs en club. Et finalement, je leur parle de la façon dont va se passer l’été dans les grandes lignes et je décris à chaque joueuse comment je vois leur situation dans le groupe. Je ne suis pas vendeur de rêve, je suis très pragmatique, on sait aujourd’hui que quelques filles seront bien évidemment de l’aventure et que d’autres devront se battre pour y être. A ces dernières, je leur explique qu’il y a une possibilité pour elles de participer à la Volleyball Nations League et/ou aux Jeux Olympiques, mais que tout ça va dépendre de leur état mental, médical et physique, je leur dis qu’elles ne peuvent pas s’engager avec le pied sur le frein si elles veulent optimiser leurs chances d’être prises. Je leur dis aussi que si elles sont dans ce noyau de l’équipe de France, c’est qu’elles ont des qualités, mais que si jamais on ne les prend pas, ça ne veut pas dire qu’elles sont mauvaises, ça signifiera que d’autres sont un peu meilleures et qu’il faudra qu’elles acceptent d’être extrêmement déçues.

Concrètement, peux-tu nous dire qui tu as rencontré lors de cette tournée ?
Six joueuses à Chamalières : Halimatou Bah, Sabine Haewegene, Mahé Mauriat, Manon Jaegy, Fatoumata Fanguedou et Iman Ndiaye ; deux à Marcq-en-Baroeul, Lisa Arbos et Eva Elouga, et je vais en rencontrer cinq à Nantes : Amandine Giardino, Emilie Respaut, Amélie Rotar, Hope Rakotozafy et Leia Ratahiry pour voir comment évolue sa blessure au genou. J’ai aussi rapidement vu Isaline Sager-Weider et Enora Dalard-Selosse lors du match de Mulhouse à Marcq-en-Baroeul, mais je vais avoir des discussions au téléphone avec elles. Parce que dans le même temps, j’ai des entretiens téléphoniques avec les joueuses que je ne vois pas physiquement, celles qui sont plus loin en France et celles qui évoluent à l’étranger, j’ai par exemple eu récemment Héléna Cazaute et Léandra Olinga.

Dans quel état d’esprit sens-tu les joueuses ?
Il n’y a aucun problème de motivation chez elles, c’est certain. Il y a en revanche des inquiétudes, parce que sur certains postes, il y a de la concurrence. Elles savent aussi que pour la VNL, on aura le droit à 14 joueuses, alors que pour les Jeux Olympiques, c’est 12 + 1 fille qui peut remplacer une joueuse blessée au cas où, mais n’est pas dans le village. Certaines s’interrogent aussi sur le positionnement mental qui sera le nôtre, notamment sur la VNL qui va nous confronter aux meilleures équipes du monde. Pour l’instant, je ne leur précise pas, parce que j’estime qu’il faut mettre tous les éléments sur la table et que ça doit aussi émaner du groupe. Ce n’est pas à l’entraîneur de dire : "On va à la VNL et aux Jeux Olympiques pour avoir tel résultat". Non, c’est une force qui doit venir de l’intérieur du groupe après que chacun a exposé des éléments de réflexion. Ça sera une de nos tâches majeures lorsqu’on va être ensemble.